Quand l’Opéra de Paris revisite Aïda

La vie culturelle et artistique prend ses quartiers en ligne, comme cette Aïda pour le moins audacieuse, enregistrée à l’Opéra Bastille et disponible gratuitement sur le site Internet d’Arte. SoBARNES vous explique pourquoi il ne faut pas passer à côté.

Aïda a 150 ans. Joué pour la première fois en 1871 lors de l’inauguration du canal de Suez, l’opéra de Verdi prend une tournure très politique dans cette nouvelle mise en scène proposée par la Néerlandaise Lotte de Beer sur la scène de la Bastille. L’histoire d’amour contrariée entre l’esclave éthiopienne Aïda et l’officier égyptien Radamès quitte le temps des pharaons pour se transposer durant un cocktail dans un musée ethnologique, visité par des représentants d’une haute société que l’on imagine napoléonienne buvant le champagne devant des statues représentant les peuples opprimés. Inutile de dire que cette production filmée lors d’une représentation unique début février divise les critiques, mais c’est le propre de toute œuvre audacieuse. Et vous verrez plus loin que même les plus réfractaires à l’opéra y trouveront leur bonheur (grâce à SoBARNES).

Nous restons dubitatifs devant l’usage des marionnettes à taille humaine incarnant les personnages d’Aïda et son père, les chanteurs étant contraints d’évoluer dans leur ombre. Imposer ainsi le thème des conquêtes coloniales et de leurs conséquences sur notre société renvoie certes à l’actualité, mais le message semble un peu trop forcé pour faire mouche. En revanche, quelle distribution ! Avec les stars du moment que sont Sondra Radvanovsky, Jonas Kaufmann, Ksenia Dudnikova et Ludovic Tézier, sous l’irréprochable baguette de Michele Mariotti.

Giuseppe Verdi est au sommet de sa gloire lorsque le khédive d’Egypte Ismaïl Pacha lui commande l’opéra devant illustrer à la fois l’inauguration du canal de Suez et celui de l’opéra du Caire. La petite histoire retiendra que Verdi bouda cette première égyptienne (le 24 décembre 1871) et se consacra à ce qu’il considérait être la vraie création de son œuvre, celle donnée à la Scala de Milan le 8 février 1872.

Tournant le dos à la pompe et à l’orientalisme clinquant qui furent de tout temps accolés à la mise en scène d’Aïda, Lotte de Beer nous en propose une vision certes inégale mais comportant quelques trouvailles graphiques, notamment lors du morceau de bravoure qu’est l’acte II (mais si, vous connaissez, c'est celui des fameuses Trompettes d’Aïda). Cette succession de tableaux reconstitués, à la manière de ces mises en scène que chacun imaginait chez soi durant le confinement du printemps 2020, est une réussite absolue : Bonaparte franchissant le Grand-Saint-Bernard, de David, et La Liberté guidant le peuple, de Delacroix, y croisent pour notre plus grand plaisir l’Elévation du drapeau sur Iwo Jima... L'effet est saisissant, plutôt drôle, en tout cas très réussi.

Vous êtes prêts à vous lancer ? Cliquez ici. Et si vous n’aimez pas l’opéra en général ni Aïda en particulier, vous pouvez rejoindre directement cette scène d’anthologie en faisant glisser le curseur jusqu’à 58 minutes 18 secondes (mais que cela reste notre petit secret !).

A la réflexion, le fait que les choristes et les marionnettistes portent des masques (sanitaires) n’est pas incohérent avec le propos de Lotte de Beer, non ?

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Aïda, de Giuseppe Verdi, en ligne sur ARTE.fr jusqu'au 20 août 2021

Une production © Opéra national de Paris / Arte France

Mise en scène Lotte de Beer, direction musicale Michele Mariotti - Orchestre de l'Opéra national de Paris

Photos @Vincent Pontet et Elena Bauer / OnP

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